2023-04

2023-04-06 Kurde, Juive et féministe avant la lettre : Asenath Barzani

pdfs/Kurde_Juive_et_feministe_avant_la_lettre_Asenath_Barzani.pdf

Et si le féminisme caractéristique de la gestion kurde de la région du Rojava en Syrie du nord avait des origines culturelles bien ancrées dans l’histoire locale ?

L’exemple remarquable de la spécialiste rabbinique Asenath Barzani (1590-1670) qui défia les stéréotypes de genre avec l’assentiment de sa communauté est-il encore imaginable dans un Moyen-Orient dominé par Erdogan et ses sbires ?

Depuis 2013, le Kurdistan de l’Ouest, connu sous le nom de Rojava , situé au nord et nord-est de la Syrie dont l’appellation officielle est Fédération démocratique du nord de la Syrie vit selon un régime égalitaire unique au monde et plus encore au Moyen Orient .

L’auteure de ces lignes a eu le privilège d’y voyager et a publié quelques articles dans Médiapart.

Pour rappel, cette constitution est basée sur un mode de gouvernance de confédéralisme démocratique où pour toute décision est prise par deux représentants, un homme et une femme, le/la maire et le /la co-maire- et ceux-ci peuvent être kurdes, arabes ou assyriens.

Ce contrat social remarquable a été pensé par Abdullah Öcalan, leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) – toujours emprisonné sur l’Île d’Imrali depuis 2002 qui s’est inspiré des théories libertaires de Murray Bookchin.

Néanmoins, cette approche féministe fait partie intégrante de l’idéologie du PKK depuis sa fondation en 1978 et le confédéralisme en est l’aboutissement logique.

Des relais de l’idéologie du PKK organisent partout au monde des ateliers de formation au féminisme, la « Jineolojî » selon les préceptes d’Öcalan , soit « la science de la femme »

Pendant trois millénaires, le panthéon sumérien puis mésopotamien fut dominé par la figure féroce d’Ishtar. Non pas une déesse-mère uniquement validée par sa fertilité et sa progéniture, mais celle de l’amour, de la guerre et d’une certaine façon de la liberté et de l’indépendance féminine non soumise au pouvoir masculin.

Son animal est le lion et son emblème l’étoile du matin. On est très loin de la douce et chaste Vierge Marie ensemencée par un dieu invisible machiste auquel elle est soumise en attendant l’arrivée de son fils tout-puissant.

On ne s’étonne pas que les « Unités de la femme libre », soit la branche militaire féminine du PKK portent l’emblème céleste d’Ishtar, l’étoile qui se dit « ster » en kurde d’où le nom officiel – STAR (YJA-STAR - Yekîteneyên Jinen Azad ên Star).

Il existe un exemple d’une carrière féminine remarquable : celui d’Asenath Barzani la première femme juive à atteindre un statut équivalent à celui d’un rabbin .

Tout compte fait, le fait qu’elle soit kurde aussi bien que juive n’a rien de très étonnant vu le terreau : ce qui l’est plus, c’est l’époque à laquelle elle a vécu, soit le XVIIe siècle et surtout le mode de vie particulier qu’elle a su imposer à son entourage.

Pour rappel, il faudra attendre 1935 pour qu’une la première femme soit officiellement consacrée rabbin, Regina Jonas à Berlin.

… C’est que la société juive kurde était bien plus libérale que celles des pays arabes ou Ashkénazes, puisque la mixité n’était nullement prohibée, y compris pour les danses traditionnelles, reflétant sans doute la tradition locale. Autre miracle, Asenath ne mit au monde que deux enfants, prodige qui fut inscrit dans diverses amulettes, ainsi qu’une formule magique pour empêcher le viol.

En gros, on peut décrire sa vie, du choix de carrière jusqu’à la limitation des naissances comme se rapprochant singulièrement d’une trajectoire proto-féministe tant elle s’écarte des stéréotypes de genre.

Décès d’un camarade sur le front ukrainien

Ce texte est difficile à écrire pour nous. Le 19 avril 2023, il y a eu une bataille à la périphérie de Bakhmut où trois de nos camarades ont été tués.

Tous étaient des volontaires internationaux.

Nous parlerons certainement de chacun d’entre eux. Mais pour l’instant, le fait le plus connu du public est la mort de l’un d’entre eux, notre ami proche et anarchiste convaincu Dmytro Petrov, également connu sous le nom d’Illia Leshyi.

Dmytro était titulaire d’un doctorat en histoire et était anthropologue.

Il était actif dans tous les événements de protestation en Russie, en particulier la manifestation sur la place Bolotnaya.

En 2014, il a soutenu le Maïdan.

En 2017, Dmytro s’est rendu au Kurdistan, où il a passé six mois à étudier l’expérience kurde en matière d’auto-organisation et de lutte pour une société libre .

Il en a résulté un livre et des conférences sur le Rojava, qu’il a continué à soutenir même depuis la ligne de front au Donbas (et qui a été considéré comme une “fake news”).

Dmytro a réalisé qu’il était dangereux de rester en Russie, il a donc déménagé à Kiev, et lorsque la guerre à grande échelle a commencé, lui et d’autres anarchistes ont rejoint les forces de défense territoriale.

Il est également l’un des fondateurs du Comité de résistance, une association de combattants anti-autoritaires, et a participé à la création du mouvement de volontaires sur lequel nous travaillons aujourd’hui.

Il a donné de nombreuses interviews dans lesquelles il a appelé la gauche et les anarchistes du monde entier à soutenir la lutte du peuple ukrainien contre l’agresseur.

Leshyi a toujours rejeté toute forme de nationalisme, il fondait ses actions uniquement sur des valeurs et des idéaux anti-autoritaires.

Ses qualités personnelles ont immédiatement séduit tout le monde, même ceux qui n’avaient rien à voir avec l’anarchisme. Dernièrement, Leshyi était en train de former une nouvelle unité anti-autoritaire, c’est donc une perte sérieuse non seulement pour nous personnellement, mais aussi pour notre mouvement.

Aujourd’hui, tout le monde se souvient de Dmytro.

Il est vraiment impossible de l’oublier.

Mais nous vous encourageons également à ne pas oublier son héritage, les idées auxquelles il croyait. Ne jamais céder au courant dominant et toujours être du côté des opprimés contre les oppresseurs.”